Vaccin universel: rien que des beaux mots?
En juillet, le Centre d’Action Laïque de Liège nous a invités à rédiger une opinion sur l’apartheid mondial en matière de vaccination. Notre responsable politique Jasper a pris son stylo pour taper sur les doigts de la Commission européenne. L’article a été publié fin juillet dans le magazine Salut & Fraternité.
Il y a plus d’un an, Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission Européenne, a fait une déclaration pleine d’espoir. Le vaccin deviendrait notre bien commun universel, disponible partout dans le monde. “Avec notre approche globale, nous ferons l’histoire ensemble”, a-t-elle ajouté. Quelques mois après le début des premières campagnes de vaccination, ces mots sonnent excessivement creux. Les pays riches vaccinent une personne par seconde, alors que l’avenir semble très incertain pour la plupart des habitant·e·s de la planète. La stratégie de vaccination mondiale actuelle échoue sur tous les fronts et pourrait revenir nous hanter. Qu’en est-il de cette “approche globale” dont Mme Von Der Leyen a parlé avec tant de lyrisme en 2020 ?
Si vous avez la chance de vivre dans un pays riche, vous ayez déjà sans doute eu votre première injection ou vous êtes sur le point de la recevoir. En revanche, dans de nombreux pays à faible revenu, même les infirmières et infirmiers et les groupes vulnérables attendent toujours leur première dose. En Floride, plus de personnes avaient déjà été vaccinées en mai que dans tout le continent africain. Au mieux, de nombreux pays parviendront à peine à vacciner une personne sur dix cette année. Cela signifie que si rien ne change rapidement, il faudra des années avant d’atteindre l’immunité globale qui mettrait un terme à la pandémie.
Malgré leurs belles promesses, les pays riches ont monopolisé l’offre disponible de vaccins avant qu’elle ne puisse être distribuée équitablement. Un petit groupe de pays, représentant seulement 14% de la population mondiale, s’est réservé 53% de tous les vaccins. Dans l’Union européenne, nous serons en mesure d’offrir trois vaccins à chaque citoyen·ne d’ici la fin de l’année 2021. Pendant ce temps, ces mêmes pays sabotent une proposition majeure de l’Organisation Mondiale du Commerce visant à augmenter la production mondiale de vaccins. Ce faisant, les pays riches disent en fait au monde qu’ils privilégient les profits de l’industrie pharmaceutique plutôt qu’une issue rapide à la pandémie.
Nous n’arrêterons pas cette crise en vaccinant seulement la population des pays riches. La pandémie est par définition un problème mondial et tant que le coronavirus sévit dans certains pays, même les pays ayant une large couverture vaccinale sont vulnérables. La déclaration du patron des Nations Unies, António Guterres, selon laquelle “personne n’est en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas”, n’est pas un slogan vide de sens mais un avertissement fondé sur des données scientifiques. Le nationalisme vaccinal est mauvais pour la santé et pour notre économie. Les scientifiques prévoient deux fois plus de décès et un coût économique de 9 000 milliards de dollars. La question est donc de savoir de quel côté de l’histoire Mme Von der Leyen veut être ? Il est grand temps que l’UE change son fusil d’épaule et rejoigne l’appel à faire du vaccin un bien public mondial. Ce n’est pas seulement la solution la plus efficace, c’est aussi la plus juste.