La Cour suprême israélienne autorise le transfert forcé des Palestinien·ne·s de Masafer Yatta

Masafer Yatta

Mercredi 4 mai, la Cour suprême israélienne a approuvé l’ordre d’éviction de huit villages palestiniens dans la région de Masafer Yatta dans le Sud d’Hébron en Cisjordanie occupée. Quelque 1200 femmes, hommes, enfants palestinien·ne·s courent désormais le risque d’une expulsion imminente et d’une destruction de leurs maisons. 16 ONG belges condamnent la décision de la Cour Suprême israélienne et appellent la Belgique et l’Union européenne à condamner cette violation du droit international par Israël, à prendre des mesures pour mettre fin au régime d’apartheid et à la colonisation israélienne et à accroître le soutien politique et financier à la population palestinienne.

Masafer Yatta se situe en zone C en Cisjordanie occupée, donc sous le contrôle total de l’armée israélienne. En 1981, Israël décide d’installer une nouvelle « zone de tir » (dite « zone 918 ») s’étendant sur 300 km2 dans la région de Masafer Yatta. A noter que 18% de la Cisjordanie est couverte par de telles « zones de tir » israéliennes. En 1999, l’armée israélienne procède à l’expulsion de 700 Palestinien·ne·s de la région prétextant qu’ils et elles « vivent illégalement dans une zone de tir ». Un recours est alors introduit par les habitant·e·s avec l’aide de l’Association for Civil Rights in Israel (ACRI), et la Cour Suprême émet alors un ordre provisoire permettant aux résident·e·s palestiniens de retourner dans leurs villages.

Une décision contraire au droit international

Depuis plus de 22 ans, les résident·e·s mènent une procédure judiciaire pour prouver que leur présence sur la terre était préalable à l’établissement de la zone de tir. La décision rendue par la Cour Suprême le 4 mai dernier rejette leur revendication, estimant qu’ils se seraient installé·e·s dans cette zone après l’établissement de la « zone 918 ». Elle valide en cela l’ordre d’expulsion des habitant·e·s de huit villages de la région de Masafer Yatta, dans ce qui serait une des plus grandes expulsions de masse de Palestinien·ne·s depuis des décennies.

Pour rappel, le transfert forcé de population est considéré comme une violation du droit international humanitaire selon l’article 49 de la 4e Convention de Genève et un crime de guerre selon le Statut de Rome de la Cour Pénale internationale. Or dans son jugement, la Cour a rejeté l’argument selon lequel l’expulsion des civils de cette zone constituerait une violation du droit international, affirmant par ailleurs que lorsque le droit international contredit le droit israélien, ce dernier prévaut.

Apartheid et annexion

Par ailleurs, aucun des colons israélien·ne·s installé·e·s dans la « zone 918 » n’a été intimé·e de la quitter depuis son établissement en 1981. Dimanche 8 mai, l’éditorial du quotidien israélien Haaretz affirmait « Compte tenu de l’expulsion sélective fondée sur la nationalité, il ne sera plus possible de réfuter l’argument selon lequel un régime d’apartheid a remplacé l’occupation militaire dans les territoires. L’occupation est par définition temporaire ; l’apartheid est susceptible de perdurer à jamais. La Cour Suprême l’a approuvé ».

Récemment qualifié comme tel par de nombreuses organisations de défense des droits humains comme Human Rights Watch et Amnesty, le régime israélien d’apartheid instaure en effet une discrimination systématique entre Israélien·ne·s et Palestinien·ne·s dans l’accès à la terre, et cela dans une visée coloniale. En Cisjordanie, le transfert forcé de 1000 Palestinien·ne·s de Masafer Yatta permet ainsi d’annexer encore un peu plus de territoire palestinien.

Appel à une réaction de la Belgique

Mardi 10 mai, l’Union européenne a réagi en soulignant : « L’expansion des colonies, les démolitions et les expulsions sont illégales au regard du droit international. L’UE condamne ces projets éventuels et demande instamment à Israël de mettre fin aux démolitions et aux expulsions, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme. L’établissement d’une zone de tir ne peut être considéré comme une « raison militaire impérative » pour transférer la population sous occupation ».

Comme le souligne la journaliste Amira Hass dans Haaretz, les juges israéliens se permettent de s’asseoir sur le droit international parce qu’ils savent pertinemment qu’Israël ne subira pas de sanctions pour l’éviction des Palestinien·ne·s de Masafer Yatta. L’absence de mesures concrètes entretient l’impunité dont bénéficie Israël pour ses multiples violations du droit international.

La Belgique et l’Union européenne condamnent de la plus claire des manières cette violation ostensible du droit international. Mais les mots ne suffisent plus, et doivent être accompagnés d’actes. Des mesures concrètes doivent être prises pour mettre un terme au régime d’apartheid et à la colonisation israélienne.

Le minimum que gouvernement belge et l’Union européenne doivent faire est de respecter leurs obligations au regard du droit international et d’approfondir leur politique de différenciation en interdisant le commerce avec les colonies israéliennes établies dans le territoire palestinien occupé. Le gouvernement belge s’est en outre engagé dans l’accord de coalition à travailler au niveau de l’UE, ou au moins avec les Etats qui partagent ses idées, à une liste de contre-mesures efficaces et proportionnées en cas d’annexion du territoire palestinien par Israël. Vu les derniers développements, il est plus que temps de mettre en œuvre cet engagement.

La Ministre belge de la coopération au développement Meryame Kitir est par ailleurs en visite en Palestine pour le moment, nous l’appelons à renforcer le soutien financier et politique de la Belgique aux populations palestiniennes vivant dans la zone C.

Organisations signataires

11.11.11
ABP
BACBI
La Centrale Générale-FGTB
CNCD-11.11.11
De-Colonizer
Een Andere Joodse Stem
Entraide et Fraternité
FOS
Intal
MOC
Palestina Solidariteit
SolSoc
UPJB
Viva Salud
Vrede vzw