Pourquoi est-il difficile de travailler dans le secteur de la santé en RD Congo ?
Etoile du Sud (EDS) et Si Jeunesse Savait (SJS), deux organisations partenaires de Viva Salud, ont mené des enquêtes auprès de 1.330 soignant·e·s de Kinshasa, du Nord-Kivu et du Katanga en 2022 au RD Congo. Elles ont interrogé des médecins, des infirmier·ère·s et des pharmacien·ne·s sur les conditions de travail dans le secteur de la santé.
Une pénurie de personnel alarmante
L’enquête avait pour objectif d’identifier les raisons des nombreuses pénuries de personnel de santé en République Démocratique du Congo (RDC). L’enquête a révélé que 74 % des personnes interrogées déclarent qu’il y a une pénurie de soignant·e·s ayant reçu une formation de qualité dans le pays. Dans les zones rurales, ce chiffre atteint même 91 %. Les conditions de travail dans les zones rurales et dans le secteur public sous-financé sont sans conteste les pires. Les conditions de travail dans le secteur des ONG ont reçu l’évaluation la plus positive.
« Qui peut vouloir travailler dans les milieux ruraux? Le personnel soignant y travaille quasiment gratuitement. C’est du vrai bénévolat »
Témoignage d’un·e participant·e à l’enquête
Les mauvaises conditions de travail et les bas salaires sont considérés comme les principaux facteurs de pénurie dans le secteur de la santé. Cela pousse les soignant·e·s à aller à l’étranger ou dans le secteur privé. Un membre du personnel soignant interrogé a déclaré : « Lorsque les agent·e·s de santé choisissent de continuer à travailler pour un service public, c’est pour des raisons de sécurité de l’emploi. Il est difficile pour le gouvernement de licencier quelqu’un.
Mais en ce qui concerne les conditions de travail, les conditions de vie et le salaire, le secteur privé, les ONG et le secteur de la santé à l’étranger font mieux. Par conséquent, il y a beaucoup moins d’agent·e·s de santé correctement formé·e·s qui travaillent pour les services publics. Et comme le gouvernement est conscient qu’il paie mal le personnel de santé, il sait que les contrôles de qualité sont inutiles« .
Le manque de matériel et de possibilités de formation complémentaire ont également été évoqués parmi les principales causes du problème.
« En milieu rural, le personnel de santé court beaucoup des risques (sécuritaires notamment) que l’État ne compense pas »
Témoignage d’un·e participant·e à l’enquête
L’impact considérable de la « fuite des cerveaux »
EDS et SJS ont également abordé dans leur enquête la question des conséquences ressenties par les participant·e·s suite à la migration des soignant.e.s à l’étranger ou dans le secteur privé. 85% confirment une diminution de l’offre et de la qualité des soins dans le secteur public. Cela a des effets importants sur l’offre de soins, étant donné que les soins dans le secteur privé sont plus chers et ne sont donc accessibles que pour une petite partie de la population.
« Plusieurs médecins qualifié·e·s employé·e·s par l’État, à cause des mauvaises conditions de travail et de vie, ont crée leurs propres cabinets privés. Ils amènent parfois avec eux les meilleur·e·s des infirmiers et infirmières.”
Témoignage d’un·e participant·e à l’enquête
92% estime qu’une amélioration des conditions de travail serait une solution à cette fuite de cerveaux (brain drain). Ils ne sont que 14% à croire que les accords internationaux pourraient résoudre le problème.
Des solutions encore attendues
Avec les syndicats impliqués dans la grève, EDS et SJS ont lancé la campagne de solidarité en ligne “Mosalayamongasanténabiso” (“le travail des travailleur·euse·s de la santé est notre santé” en lingala). Grâce à cette campagne, ils ont sensibilisé le public aux défis auxquels sont confrontés les travailleur·euse·s de la santé en RDC et ont renforcé leur soutien dans cette grève. Reste à savoir si la campagne sera couronnée de succès à long terme, mais les organisations ont déjà réussi à obtenir une réponse du Ministre de la Santé de la RDC.
Ce dernier a affirmé sur Twitter qu’il allait travailler à une solution mais pour l’instant , aucun proposition concrète n’a été dévoilée. Le personnel de santé continue à faire pression pour obtenir de meilleures conditions de travail dans le secteur de la santé public afin que le droit généralisé à la santé des Congolais·es soit garanti.