« Pas de profit sur la pandémie » : une étape dans la lutte pour le droit à la santé

Pas de profit sur la pandémie

En 2020, 11 citoyen.ne.s européen.ne.s ont pris l’initiative d’une campagne ambitieuse : Pas de profit sur la pandémie. La campagne s’est achevée le 1er août. Après deux ans de campagne pour l’accès à la vaccination contre la Covid pour tous et toutes, les initiateurs regardent en arrière et en avant.

En 2020, 11 citoyens et citoyennes européen.ne.s ont pris l’initiative d’une campagne ambitieuse : Pas de profit sur la pandémie. L’Europe se devait de prendre des mesures pour que le vaccin contre la Covid soit à la disposition de toutes et tous, partout dans le monde. Pour cela, les 11 citoyens et citoyennes ont soumis une proposition citoyenne à la Commission européenne. Leur proposition ? Lever tous les obstacles à la distribution des vaccins et des traitements contre le coronavirus, qui étaient encore en cours de développement. Il s’agissait principalement des droits de propriété intellectuelle qui, d’une part, assurent depuis des décennies de plantureux profits aux multinationales du secteur pharmaceutique et, d‘autre part, limitent l’accès aux médicaments aux populations de nombreux pays.

Les craintes de ces citoyennes et citoyens sont devenues réalité. Dès que les géants pharmaceutiques ont mis au point leurs vaccins contre le virus, ils n’ont pas partagé leurs avancées et ils ont tout fait pour protéger leurs droits de propriété intellectuelle. Les profits ont primé et l’accès mondial aux vaccins pour toutes et tous était et n’est toujours pas une priorité pour les entreprises pharmaceutiques.

Le résultat est le suivant. À ce jour (juillet 2022), un tiers de la population mondiale n’a reçu aucun vaccin. Dans les pays à faible revenu, seuls 20 % de la population ont reçu une première dose. Les jeunes en bonne santé des pays riches sont mieux protégés que les travailleurs et travailleuses de la santé ou les patient.e.s à haut risque des régions les plus pauvres du monde. Notons également qu’une quantité non négligeable de vaccins a été gaspillée. On estime que 1,1 milliard de vaccins ont été commandés en trop grand nombre et n’ont pas pu être utilisés à temps. La Belgique a jeté à elle seule 1.3 millions de doses, de janvier à juillet 2022.

En même temps, les multinationales pharmaceutiques font de superprofits. Ils ont négocié le prix des vaccins et des traitements dans des contrats secrets avec la Commission européenne. Pfizer a réalisé plus que 80 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2021, soit le double des années précédentes. Son bénéfice a également doublé pour atteindre 25 milliards de dollars. Avec son vaccin contre le coronavirus et son médicament Covid, l’entreprise détient une part de marché d’environ 70 % en Europe et en Amérique du Nord. Cette année, l’entreprise s’attend à ce que ces deux produits génèrent à eux seuls un chiffre d’affaires de 50 milliards de dollars.

En bref, la campagne de vaccination mondiale a été un échec. Nous disposons de vaccins qui fonctionnent bien, mais nous ne sommes pas en mesure de protéger les plus faibles ou de vacciner suffisamment de personnes pour faire face à la pandémie. Au contraire, le virus continue de trouver un terrain fertile au développement de nouveaux variants. La fin de cette pandémie n’est pas encore en vue.

Rien n’expose plus clairement la violence de notre système économique que la lutte pour l’accès aux vaccins contre le coronavirus. Si, à la fin de 2021, 40 % seulement de la population de chaque pays avait été vaccinée, 600 000 vies auraient été sauvées. Et pourtant, certains pays riches et l’industrie pharmaceutique choisissent de laisser un petit groupe d’entreprises réaliser de superprofits pendant qu’un grand nombre de personnes perdent la vie, notamment dans les pays pauvres.

Les actions de la campagne européenne Pas de profit sur la pandémie n’ont-elles donc servi à rien ? Non, ce n’est pas le cas. Depuis que les 11 citoyennes et citoyens ont lancé leur idée, celle-ci a reçu le soutien de centaines d’organisations de toute l’Europe. En Belgique, il s’agit de 60 organisations et deux partis politiques. Il n’y a pas un seul pays européen où la proposition n’a pas été soutenue. Au total, plus d’un quart de million de citoyennes et de citoyens européens ont signé l’initiative via le site officiel de la Commission européenne. La Belgique, l’Italie, les Pays-Bas et l’Irlande ont dépassé l’objectif et notre pays a même atteint le double de l’objectif prévu, plus que 32 000 signatures.

En outre, la campagne pour l’égalité vaccinale a eu un impact majeur sur le débat public en Europe. La victoire la plus importante? Le système de monopole des grandes sociétés pharmaceutiques est plus que jamais en discussion. Les femmes et hommes politiques de tendances politiques différentes reconnaissent que les droits de propriété intellectuelle font obstacle à l’accès mondial aux vaccins contre le coronavirus et que des suspensions temporaires de brevets sont envisageables. Au Parlement européen, une majorité des eurodéputé.es a voté deux fois pour la suppression temporaire des droits de propriété intellectuelle sur toutes les ressources qui peuvent nous aider dans la lutte contre le coronavirus.

Pourtant, la Commission européenne a ignoré l’appel de son propre Parlement. Elle a cédé à la puissante machine de lobbying de l’industrie pharmaceutique. Durant deux ans, elle a saboté les négociations à l’Organisation mondiale du commerce sur une suspension temporaire de l’accord ADPIC, admettant seulement en juin que la propriété intellectuelle et les monopoles des grandes sociétés pharmaceutiques constituent un blocage, et que ce système est défaillant. Cette suspension aurait permis aux fabricants de produire des vaccins et des traitements contre le coronavirus partout dans le monde, mais surtout là où ils sont le plus nécessaires. C’est le meilleur moyen d’offrir un vaccin à tout le monde à court terme et de constituer ainsi,une capacité de production pour les futurs défis sanitaires à long terme.

Des centaines de milliers de personnes à travers l’Europe se sont « réveillées » à la suite de la crise sanitaire mondiale. La pression monte pour que des mesures soient prises en vue d’un système alternatif de développement et de production de produits pharmaceutiques. Il est temps d’agir. Maintenant. Pour que les médicaments et les vaccins soient disponibles aux générations actuelles et futures. Pour que le droit à la santé soit enfin garanti et concret pour toutes et tous.