Où en est la campagne de vaccination en RD Congo ?
La campagne de vaccination au Congo a démarré officiellement le 19 avril. Un mois plus tard, 20.000 doses seulement ont été administrées pour une population de plus de 90 millions d’habitants. Nous nous sommes entretenus avec nos partenaires d’Étoile du Sud au Congo, concernant la difficile mise en route de la campagne et le rôle des mouvements sociaux.
Comment se déroule la campagne de vaccination au Congo ?
Erick Kambale, président du conseil d’administration d’Étoile du Sud : « Le 10 mars, le Ministère de la Santé a annoncé la campagne de vaccination mais l’a postposée de quelques jours, au mois d’avril. Les sentiments de la population face à la campagne sont mélangés. Il y a des doutes quant à la présence de la maladie au Congo et à la pertinence de se faire vacciner. Parmi nos militant.e.s de la santé qui aident à informer la population, certains se posent aussi des questions, alors que leur rôle est d’informer et sensibiliser les gens. »
« Les gens se posent des questions parce que le ministère de la santé ne donne pas d’informations claires sur la composition du vaccin », explique le docteur Jean Bosco Bongo. « Cela éveille la méfiance. Pour nous aussi, dans le secteur de la santé, cette information est importante pour nous permettre d’informer les gens correctement et de les convaincre de se laisser vacciner. Des formations sont nécessaires sur la façon dont les autorités vont gérer la campagne, sur la façon dont nous devons utiliser et administrer les différents produits. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons faire du porte du porte pour informer la population. La campagne, prévue en mars, a été postposée suite à des informations sur les effets secondaires du vaccin AstraZeneca. Le gouvernement voulait avoir des données complémentaires mais ne l’a pas suffisamment expliqué à la population. »
« Dès le début de la pandémie, la population s’est montrée sceptique quant à la maladie, par manque d’information sur le virus », selon Mamie Meta, responsable des projets de genre dans la province du Haut Katanga. « Au sein de notre travail, nous entendons beaucoup d’hypothèses et de rumeurs, par exemple que ce serait une maladie de blancs et de riches. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur la sensibilisation aux règles de distanciation et d’hygiène. Il y a aussi des doutes quant à l’efficacité des vaccins, davantage encore avec les nombreuses mutations du virus. »
« Certains professionnels de la santé sont eux aussi sceptiques et accordent du crédit aux rumeurs ou disent ouvertement qu’ils ne se feront pas vacciner », affirme Jean Bosco Bongo. « C’est un grand risque. Travailler dans le secteur de la santé et ne pas se vacciner peut entraîner beaucoup de contamination. Et, en plus d’être dans le secteur de la santé, nous sommes aussi parents ou responsables d’autres personnes. Ceux qui doivent convaincre autrui doivent eux-mêmes être convaincus. Par ailleurs, notre personnel a besoin de plus de matériel de protection et d’une valorisation financière pour leur investissement, comme cela a été le cas en Occident. »
Quel est le rôle d’Étoile du Sud dans la campagne de vaccination ?
« Depuis l’apparition du coronavirus, notre priorité est de sensibiliser », répond Sylvie Luzala, présidente de l’administration nationale d’Étoile du Sud. « Avant même d’avoir reçu des instructions du gouvernement ou de l’Organisation Mondiale de la Santé, nous avons fait du porte à porte pour informer les gens quant à l’importance de l’hygiène et des règles de distanciation. Nous avons envoyé des activistes de la santé dans les quartiers populaires, dont où il n’y a pas d’accès à la radio, la télévision ou la presse écrite et ne sont pas au courant des informations données par le gouvernement. Nous continuons à faire la même chose pour expliquer à la population que le vaccin est la meilleure solution pour venir à bout de cette pandémie. »
« Avec nos militant.e.s de la santé, nous sommes proches de la population », estime Jean Bosco Bongo. « Nous avons en outre aussi une clinique mobile. Grâce à ces structures, nous pouvons informer la population sur l’importance du vaccin. Lors de pandémies précédentes, nous étions aussi sceptiques et nous avons pu en voir les conséquences. Aujourd’hui, le virus se répand à toute vitesse à travers le monde entier. C’est pourquoi nous devons nous faire vacciner pour nous protéger, nous et notre environnement, et pour stopper la propagation du virus. »
“Avec nos comités de santé populaires, nous voulons donner aux gens des informations correctes pour leur faire prendre conscience de l’importance de la vaccination” – Mamie Meta, responsable des projets de genre dans la province du Haut Katanga
Les médias sociaux propagent beaucoup d’informations inexactes. Mamie Meta : « Avec nos comités de santé populaires, nous voulons donner aux gens des informations correctes pour leur faire prendre conscience de l’importance de la vaccination. Cela demande beaucoup d’efforts et de moyens supplémentaires, en particulier pour pouvoir atteindre les villages et les groupes de population les plus éloignés. Nous avons pu constater que beaucoup de personnes dans ces régions n’étaient même pas au courant du virus. »
Aujourd’hui encore, Étoile du Sud n’attend pas les instructions d’en haut pour sensibiliser les gens à se faire vacciner. Erick Kambale : « Notre message est que le vaccin doit être disponible pour chacun au Congo. Car une personne non vaccinée peut continuer à en contaminer beaucoup d’autres, certainement lorsque le virus mute. C’est le message que nous essayons de transmettre sans parler du vaccin même, parce qu’on se heurte à des problèmes de crédibilité, par manque d’information scientifique officielle. Nous nous concentrons donc sur l’importance du vaccin et le fait qu’il soit accessible à tout le monde. »
Pour une population de plus de 90 millions, 1,7 million de doses seulement sont disponibles selon le Ministère de la santé. Et le gouvernement congolais entre-temps a pris la décision de distribuer les 1,3 million de doses d’AstraZeneca qu’il a reçues via l’initiative Covax à d’autres pays africains, ceci en raison des effets secondaires rapportés et de la méfiance au sein de la population.
Erick Kambale : « La faible quantité de doses disponibles décourage encore plus les gens. Qui recevra le vaccin et qui ne le recevra pas ? Il nous faut encore plus de militant.e.s de la santé pour sensibiliser plus largement. Nous avons besoin de temps. Même si le ministre devait communiquer aujourd’hui les directives pour la vaccination contre le Covid-19, elles ne seraient utiles que si la population se fait vacciner. Mais actuellement, il n’y a pas d’initiatives du gouvernement pour sensibiliser à grande échelle. Et c’est bien pour relever ce défi que nous voulons former et encadrer encore plus de militant.e.s de la santé pour bien les outiller afin d’aller sur le terrain. »