Les soignant·e·s se mobilisent contre la répression de l’État aux Philippines
Les soignant·e·s aux Philippines luttent pour un système de santé juste tout en étant confrontés à la répression de l’État, souligne une discussion récente de Viva Salud, Quinoa et ICHRP
Cet article est paru le 20 septembre dans People’s Dispatch
Aux Philippines, les intérêts privés surplombent les besoins publics
Aux Philippines, les professionnel·le·s de santé militent pour un système de santé juste dans un contexte de négligence systémique et de privatisation, tout en défendant leurs droits démocratiques contre la répression de l’État. Un récent webinaire organisé par Viva Salud, Quinoa et la Coalition internationale pour les droits humains aux Philippines (ICHRP) a mis en lumière certains des problèmes auxquels iels sont confronté·e·s au quotidien.
Kat Berza, directrice du département de plaidoyer et de recherche du Council for Health and Development (CHD), soulignait que malgré la richesse des ressources naturelles du pays, 46 % des familles sont pauvres et que les soins de santé restent largement inaccessibles. En 2022, les dépenses de santé à la charge des patients représentaient 44,7 % des dépenses totales, les factures d’hôpital moyennes atteignant 46 640 Php (environ 838 USD), soit environ trois mois du salaire minimum. Selon Kat Berza, cela reflète un échec profond du gouvernement à faire respecter le droit et l’accès à la santé.
La privatisation a aggravé la situation : 66,4 % des hôpitaux étaient privés en 2020. Les établissements privés exigent souvent des frais hors de portée de la plupart des Philippin·ne·s. Les partenariats public-privé, encouragés par le président Marcos Jr., accentuent encore la marchandisation des soins de santé, en servant les intérêts privés au détriment des besoins publics. Avec seulement 5 % du budget national alloué à la santé, l’engagement du gouvernement à fournir des soins de santé accessibles est très largement insuffisant.
Répression contre le personnel soignant
Les professionnels de santé luttent non seulement pour un système de santé accessible, mais aussi pour leurs droits. Iels travaillent dans des établissements sous-financés et en sous-effectif, avec des salaires bas (13 000 Php, soit 233 USD), bien en dessous du salaire moyen de 36 480 Php (655 USD). En plus de mauvaises conditions de travail, ces travailleurs sont confrontés à la répression de l’État en raison de leur militantisme.
Aux Philippines, les militant·e·s sont souvent qualifié·e·s de terroristes ou d’insurgé·e·s parce qu’iels sont actif·ve·s pour un changement de système profond. Ce harcèlement expose les soignant·e·s à la surveillance, aux arrestations et, bien souvent, à la violence.
Le Dr Oliver Gimenez, connu sous le nom de Dr Ogie, est un exemple clair des risques graves auxquels sont confronté·e·s les médecins communautaires aux Philippines. En tant qu’agent de santé auprès des Visayas Primary Healthcare Services (VPHCS), le Dr Gimenez a formé des agents de santé communautaires de divers horizons, comblant ainsi les lacunes laissées par la négligence du gouvernement.
Son engagement ne se limitait pas aux soins médicaux, mais s’attaquait également aux causes profondes de l’injustice sociale. En collaboration avec le Community Empowerment and Resource Network (CERNET), il était engagé contre les problèmes systémiques contribuant à la pauvreté. Cependant, en mai, le CERNET a été accusé de financer le terrorisme en vertu de la loi antiterroriste, une loi de plus en plus utilisée pour réprimer l’opposition aux politiques de l’État. Cette fausse accusation a conduit au gel des comptes bancaires du CERNET et de ses partenaires, paralysant leur capacité à atteindre les communautés marginalisées.
Cette répression des organisations populaires comme CERNET est une tentative délibérée de créer un climat de peur, violant les normes nationales et internationales des droits humains et privant les communautés pauvres d’un soutien crucial.
Faire pression pour un changement systémique
La résistance des professionnels de santé et des organisations de défense des droits aux Philippines témoigne de la lutte continue pour un changement systémique à l’échelle mondiale. CHD et d’autres groupes construisent des systèmes de santé alternatifs par le biais de programmes communautaires, avec plus de 70 initiatives formant plus de 10 000 agents de santé communautaires. Ces programmes répondent non seulement aux besoins de santé immédiats, mais permettent également aux communautés de lutter contre les inégalités systémiques.
Leur combat ne se limite pas à l’amélioration des soins de santé, mais vise également à exiger une refonte fondamentale d’un système qui privilégie le profit au détriment des personnes. Les défenseurs et défenseuses des droits comme le Dr Gimenez démontrent le rôle essentiel des professionnel·le·s de la santé dans la promotion d’une plus grande justice sociale.
People’s Health Dispatch est un bulletin bimensuel publié par le People’s Health Movement et People’s Dispatch . Pour plus d’articles et pour vous abonner à People’s Health Dispatch, cliquez ici.
Matilde De Cooman travaille à Viva Salud sur le droit à la santé et la solidarité internationale. Elle est également militante pour la Palestine et les droits des femmes.