La réponse de l’Organisation mondiale du commerce à la pandémie : un effort futile ?

Wereldhandelsorganisatie Organisation mondiale du commerce OMC

La 12e conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se tient à Genève du 12 au 16 juin. Au cours de la conférence, les délégué·e·s vont vraisemblablement prendre une décision molle sur la manière de faire face à la pandémie. Pour tenter de sauver les apparences après des mois de négociations infructueuses sur la dérogation ADPIC.

Plus de deux ans après la pandémie et 20 mois après la soumission officielle de la dérogation ADPIC à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les nations du monde se réunissent du 12 au 16 juin à la 12e conférence ministérielle de l’OMC à Genève. D’innombrables vies ont été perdues parce que l’OMC n’a pas approuvé la dérogation ADPIC au moment où elle était le plus nécessaire.

Lors d’une récente conférence de presse, le lauréat du prix Nobel Joseph Stiglitz a déclaré que l’industrie pharmaceutique ne veut pas d’une décision rapide sur la dérogation ADPIC. « Plus la réponse est lente, plus leurs profits sont élevés. » Après plus d’un an et demi de tergiversations, la Commission européenne et une poignée de pays riches font maintenant pression sur la directrice générale (DG) de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, pour qu’elle approuve une proposition alternative.

La proposition actuellement sur la table est fortement inspirée d’un texte qui a fait l’objet d’une fuite quelques mois plus tôt. Le texte a été présenté comme le résultat de négociations entre un petit groupe de pays : l’Union européenne (UE), les États-Unis, l’Inde et l’Afrique du Sud. Il est apparu par la suite que le texte avait été rédigé par le secrétariat de l’OMC et qu’aucun des membres du groupe en question, à l’exception de l’UE, ne l’avait approuvé. Les syndicats, les universitaires et la société civile ont vivement critiqué le texte.

Sauver la face de l’OMC

Plus de 6 millions de personnes sont mortes à cause du Covid-19. L’adoption de la dérogation initiale à l’accord ADPIC aurait pu éviter bon nombre de ces décès. Les expert·e·s affirment que la proposition alternative de l’OMC ne vise pas à accroître la disponibilité des produits contre le Covid-19. Plutôt qu’à sauver des vies, le nouveau texte est surtout destiné à sauver la face à l’OMC.

La nouvelle proposition diffère à plusieurs égards de la dérogation originale de l’ADPIC. La dérogation ADPIC vise à garantir l’égalité d’accès aux vaccins, mais aussi aux traitements, au matériel de test et de protection, en particulier dans les pays à faible revenu. Le nouveau texte ne fait référence qu’aux vaccins.

De plus, le nouveau texte n’introduit pas de nouveaux mécanismes faciles à utiliser. Il se limite à clarifier et à utiliser les mécanismes existants tels que les licences obligatoires. Enfin, il ne tient pas compte des différents types de propriété intellectuelle. Il ne parle que des brevets, pas du contournement des droits d’auteur ou de la transparence des secrets commerciaux et des données des essais cliniques. Éléments cruciaux pour permettre le transfert de connaissances et de technologies.

Trop peu, trop tard

Pour Rosa Pavanelli, secrétaire générale de Public Services International, « le texte soumis à l’OMC par la DG Ngozi n’apporte pas de véritable solution. Approuver ce texte est pire que de ne pas avoir d’accord du tout. Le fait que nous ayons dû attendre si longtemps pour un résultat aussi mauvais montre que l’OMC n’est pas apte à relever ce genre de défi. Elle a toujours été la mauvaise institution pour cette discussion. Ce dont nous avons besoin, c’est un mécanisme permanent qui déclenche automatiquement la suspension des règles commerciales néfastes lorsqu’une urgence sanitaire internationale est déclarée à l’avenir. »

Roman Vega, coordinateur mondial du Mouvement Populaire pour la Santé (MPS), va dans le même sens : « Depuis le début de la pandémie, les pays à faible revenu ont souffert d’énormes inégalités dans l’accès aux vaccins, au matériel de dépistage et aux traitements. La nouvelle proposition de l’OMC n’aborde pas cette question. L’organisation a clairement prouvé qu’elle n’est pas la bonne institution pour prendre des décisions sur la politique de santé mondiale. Il est absolument nécessaire de ramener ces discussions dans la bonne organisation et de lutter contre l’ingérence des intérêts privés dans les organisations internationales ».

L’adoption de la dérogation originale de l’ADPIC reste une option, mais il est très peu probable qu’elle se produise. En effet, les pays riches continuent de rejeter le texte original et le sentiment d’urgence entourant la pandémie s’estompe.

Une campagne forte

Pourtant, les militant·e·s de la santé ont réussi à mettre sur pied une campagne solide depuis que la proposition a été soumise à l’OMC. Le grand public comprend mieux en quoi les règles commerciales font obstacle à la justice sanitaire. Dans le domaine des soins de santé, nous devons faire passer les gens avant le profit. Les campagnes de ces deux dernières années ont également montré comment la propriété intellectuelle peut faire obstacle à une réponse gouvernementale forte en cas d’urgence. Cela devrait servir de leçon pour faire face à d’autres urgences, telles que la crise climatique. Dans les mois à venir, nous devons maintenir la pression pour empêcher que les profits ne passent avant les vies humaines, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’OMC.

Cet article a été écrit par Susana Barria (Public Services International) et Ana Vračar (Mouvement Populaire pour la Santé) et précédemment publié sur People’s Dispatch.