La médicalisation de la faim : controverse autour de l’UNICEF et Plumpy’nut
Dans la dernière édition de Beet The System, le magazine annuel de FIAN, notre collaborateur Jasper fait une analyse de la médicalisation de la faim.
La faim augmente
Partout dans le monde, la faim augmente. C’est ce que constate l’Organisation de l’Alimentation et de l’Agriculture des Nations Unies dans un rapport. En 2018, le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde a augmenté et est estimé à 821 millions. Ce qui signifie que près d’une personne sur neuf souffre d’une faim chronique. La pandémie du coronavirus renforcera très probablement cette tendance, pas seulement pour ce qui est de la faim chronique mais aussi pour des cas aigus de sous-alimentation. Selon certains experts, le nombre de personnes en sous-alimentation aigüe doublera en fin 2020 pour atteindre 265 millions.
Alimentation thérapeutique prête à l’emploi
Pour freiner cette tendance inquiétante, l’UNICEF et le Programme alimentaire mondial ont lancé, début avril, un plan pour s’attaquer à la malnutrition des enfants. Un élément important de ce plan est l’utilisation d’une alimentation thérapeutique prête à l’emploi (ATPE, Aliment thérapeutique prêt à l’emploi / Ready to Use Therapeutic Food, RUTF), comme Plumpy’nut. Il s’agit de compléments alimentaires riches en énergie avec ajout de minéraux et de vitamines recommandés en cas de formes sévères et aigües de faim. Ils sont généralement recommandés pour une période de 6 à 8 semaines et sont réellement utiles pour traverser la phase aigüe de sous-alimentation dans des situations d’urgence humanitaire, comme lors d’un conflit ou d’une sécheresse de longue durée.
Remède miracle ou produit controversé ?
Les ATPE sont néanmoins de plus en plus souvent utilisés pour lutter contre d’autres formes de faim. Sous la pression de grandes industries alimentaires, les organisations internationales comme l’UNICEF et le Programme alimentaire mondial utilisent également ces produits pour des formes chroniques de sous-alimentation. En présentant leurs éléments nutritifs complémentaires comme une solution rapide (quick fix) à la sous-alimentation dans le monde, des multinationales comme Unilever et Danone espèrent conquérir le marché gigantesque de 821 millions de personnes chroniquement sous-alimentées. Ils réduisent la faim à un manque de vitamines et de minéraux et nient les racines socio-économiques et politiques complexes de la faim.
Une solution non durable
La tendance à médicaliser la faim et à se concentrer sur des recettes toutes faites n’offre absolument aucune solution durable à la sous-alimentation dans le monde. Des produits comme Plumpy’nut sont utiles dans des situations extrêmes d’urgence mais ne sont en rien un remède miracle pour éradiquer la faim chronique dans le monde. 37 euros par mois, ce n’est pas grand’chose pour sauver un enfant de la mort mais c’est beaucoup pour pousser des millions de personnes dans une relation de dépendance qui structurellement ne change en rien la situation. Au lieu de cela, il faut assurer l’accès aux réserves alimentaires existantes et mener une politique qui s’attaque aux causes de la sous-alimentation. Le droit à l’alimentation et à la justice sociale doit être au cœur de cette démarche.
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