La machine de guerre israélienne ne peut briser la ténacité des professionnel·le·s de santé palestinien·ne·s
(photo : Le personnel de l’hôpital Al-Awda rend hommage à ses collègues tués hier lors d’un bombardement des services situés au 3ème et 4ème étage)
Les professionnel·le·s de santé palestinien·ne·s et leurs allié·e·s du monde entier continuent de s’opposer aux attaques d’Israël à l’encontre des soins de santé à Gaza, de renforcer la solidarité et la résistance.
Le 22 novembre 2023 par Peoples Health Dispatch
L’hôpital Al-Awda, situé dans le camp de réfugiés de Jabalya, est l’un des derniers établissements de santé en Palestine à être directement visé par les forces d’occupation israéliennes. Le mardi 21 novembre, au moins trois médecins ont été tués et de nombreux autres ont été blessés, au cours d’une nouvelle attaque. Parmi les morts se trouve Ziad Al-Tatari, un néonatologiste. Il est particulièrement brutal de tuer des pédiatres, les enfants représentant toujours la majorité des victimes à Gaza. Pourtant, l’attaque systématique d’Israël contre les soins de santé en Palestine rend ce fait moins surprenant qu’il ne devrait l’être.
Le choc persiste pour celles et ceux qui ont vécu de près l’impact de l’occupation sur le système de santé palestinien, comme le Dr Mads Gilbert.
Au cours d’une discussion coordonnée par No Cold War, le People’s Health Movement et Viva Salud, Gilbert, qui a travaillé en Palestine par intermittence pendant des décennies, a expliqué à quel point il semblait incroyable que le monde ait choisi de détourner le regard alors qu’Israël a attaqué à maintes reprises le droit à la santé des Palestinien·ne·s.
Il a insisté sur la reconnaissance que méritent les travailleurs·euses de la santé en Palestine après avoir travaillé sous occupation pendant 75 ans. Leur discipline et leur dignité face aux attaques les plus horribles sont un exemple vivant du sumud palestinien, ou ténacité. Il n’y a aucun doute que les professionnel·le·s de la santé resteront au travail tant qu’il y aura des patient·e·s dans les hôpitaux et des réfugié·e·s dans les camps.
Le calme et la dignité, alliés à cette ténacité, étaient présents dans les voix des intervenant·e·s palestinien·ne·s lors de la discussion. Lorsque l’on voit le taux de destruction physique des infrastructures de santé à Gaza – avec seulement un quart des hôpitaux encore fonctionnels, des murs et des sols effondrés, et sans électricité – il peut être difficile d’imaginer comment il sera possible de les reconstruire.
Les professionnel·le·s de la santé en Palestine restent toutefois confiants. « Ensemble, nous reconstruirons tous les hôpitaux qui ont été détruits en Palestine », a assuré Aed Yaghi, directeur de la Palestinian Medical Relief Society. « Et je pense qu’un jour nous serons témoins du jour de l’indépendance palestinienne.”
Les hôpitaux, les centres de santé, le personnel soignant et les patient·e·s palestinien·ne·s ne sont pas des dommages collatéraux comme les forces d’occupation israéliennes essaient de le faire croire. La détermination à les détruire fait partie de la stratégie visant à éliminer toute trace d’un réseau de sécurité sociale pour les Palestinien·ne·s, a déclaré Mustafa Barghouti, du Conseil national palestinien.
Les attaques israéliennes qui ont suivi le 7 octobre ont été particulièrement violentes. Si violentes, en fait, que Barghouti a déclaré que la Palestine est désormais confrontée à trois crimes de guerre parallèles : le génocide, le nettoyage ethnique et la punition collective. Le degré de violence des forces d’occupation israéliennes s’est tellement intensifié que certain·e·s comparent la période à celle de la Nakba, a averti Yaghi.
Ce dont nous sommes témoins devrait émouvoir tout le monde, mais nous devons veiller à ce que notre réaction ne se réduise pas à la pitié ou à la charité. « La pitié est coloniale », a déclaré Gilbert. Ce que les travailleurs·euses de la santé et le peuple de Palestine méritent plutôt, c’est la solidarité au sens défini par Samora Machel – « l’aide mutuelle entre les forces luttant pour un même objectif » – selon Gilbert.
« Les deux mots les plus beaux que je connaisse en norvégien sont amour et solidarité. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est une tentative de les nier« , a déclaré Gilbert. Les efforts déployés par Israël pour étouffer les demandes en faveur d’un cessez-le-feu et du respect des droits humains en Palestine n’ont pas fonctionné, car l’indignation de l’opinion publique à l’égard de la destruction de la bande de Gaza s’est accentuée dans le monde entier.
D’un autre côté, les initiatives de solidarité avec la Palestine se sont multipliées au cours des dernières semaines, y compris parmi les professionnel·le·s de la santé. La jeune génération de professionnel·le·s de la santé est particulièrement investie sur la nécessité de s’opposer à faire des hôpitaux des cibles militaires. Leurs manifestations ont eu lieu dans le monde entier, de l’Indonésie à la Norvège en passant par l’Afrique du Sud. Mardi, au Cap, plusieurs centaines de professionnel·le·s de la santé ont dressé un piquet de grève devant l’hôpital pour enfants de la Croix-Rouge, réitérant leur demande d’un cessez-le-feu immédiat et de la fin du ciblage du personnel et des infrastructures de santé.
Dans certains cas, au lieu d’être entendus par leurs gouvernements et les dirigeants d’associations professionnelles, les professionnel·le·s de la santé ont dû faire face à la censure et au harcèlement pour leurs actions de plaidoyer, comme l’a décrit Rupa Marya, de la coalition Do No Harm, aux États-Unis. La tentative de certain·e·s d’entre elleux de construire une solidarité avec la Palestine a été suivie par ce que Marya a décrit comme une « réaction brutale », qui ne peut être comparée à rien de ce qu’elle avait vu auparavant lorsque des professionnel·le·s de la santé adoptaient une position politique.
Malgré l’opposition des pouvoirs établis, les professionnel·le·s de la santé aux États-Unis n’abandonnent pas leur combat pour démasquer « l’horrible et sombre mascarade ». Leur action se reflète également dans d’autres pays du Nord. En Belgique, des travailleurs·euses de la santé et des bénévoles de Médecine pour le peuple (MPLP) organisent des veillées régulières et participent à des événements tous les jours, pour s’assurer que le plus grand nombre possible de personnes entendent parler de la guerre en Palestine.
Hanne Bosselaers, médecin généraliste dans l’un des centres de santé du MPLP à Molenbeek, a souligné que s’adresser à la communauté en s’appuyant sur l’expérience personnelle était la meilleure façon d’attirer les gens dans les mouvements de solidarité. Bosselaers a travaillé dans les centres d’Al-Awda plus tôt dans sa carrière : pour elle, partager son expérience est le meilleur moyen de sensibiliser les gens à la cause palestinienne et de mettre fin à l’impunité israélienne.
À ce stade-ci, on ne saurait surestimer l’importance d’une pression citoyenne croissante. « Ne vous contentez pas de faire l’éloge, agissez« , a déclaré Gilbert. Ce que le personnel de santé en Palestine montre au monde est une « expérience d’enseignement sur la résilience, sur une culture qui repose sur des valeurs différentes de celles de nos systèmes de santé capitalistes« , a-t-il souligné. La reconnaissance et l’intégration de ces valeurs dans la pratique des mouvements de solidarité sont primordiales pour les renforcer et se tenir véritablement aux côtés de la Palestine.