INTERVIEW: ‘Une plus grande collaboration est nécessaire pour surmonter cette crise’ – Aletha Wallace, Mouvement Populaire pour la Santé
Aletha Wallace, bénévole chez Viva Salud, est active au sein du Mouvement Populaire pour la Santé (People’s Health Movement, PHM). Sur le plan professionnel, elle est chargée de contrôler la qualité des chaînes d’approvisionnement dans le secteur pharmaceutique. Elle est engagée par ailleurs dans différents projets dans sa commune de Hoeilaart. En janvier, Aletha a pris part au WHO Watch annuel. Notre collaborateur politique Jasper Thys a eu un entretien au sujet de cette expérience.
Peux-tu nous expliquer ce que c’est que le WHO Watch ?
Aletha: “Le WHO Watch est une initiative du Mouvement Populaire pour la Santé (MPS), qui donne l’occasion aux bénévoles de contrôler le fonctionnement de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), et ceci tant au cours de l’Assemblée Générale au mois de mai que lors du Conseil d’Administration en janvier. Notre équipe assiste aux réunions et observe les débats. En temps normal, nous pouvions également parler à Genève avec les représentants des pays membres de l’OMS, mais cette année, cela n’a pas été possible à cause du coronavirus. Sur base de nos observations, nous publions des commentaires et rédigeons des notes stratégiques concernant les principaux points à l’ordre du jour. Pour mettre le WHO Watch en place, le MPS collabore avec d’autres organisations qui s’investissent pour rendre la politique sanitaire mondiale plus démocratique. L’équipe du WHO Watch apporte le regard critique des mouvements sociaux et organisations sociales concernant le travail effectué par l’OMS.”
Peux-tu nous expliquer comment l’OMS est composée ?
“L’OMS comprend deux grands organes de gestion, l’Assemblée Générale et le Conseil d’Administration. La première est un organe décisionnel au sein duquel siègent tous les états membres. Elle détermine la politique de l’OMS, contrôle le budget et détermine les lignes directrices du travail du Directeur Général, le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus. L’Assemblée Générale se réunit chaque année au mois de mai. Quant au Conseil d’Administration, il se compose de 34 pays membres élus pour une durée de trois ans. Sa tâche principale est de mettre en œuvre les décisions prises lors de l’Assemblée Générale. Le Conseil se réunit chaque année au mois de janvier.”
Le 148ème Conseil d’Administration de l’OMS s’est tenu du 18 au 26 janvier. Quels points y avait-il à l’ordre du jour ?
“Nous sommes toujours en pleine pandémie, le coronavirus était donc le point central à l’ordre du jour. On a parlé par exemple de la réaction de l’OMS à cette crise sanitaire, de la façon dont l’OMS pourrait mieux se préparer lors de situations d’urgence sur le plan sanitaire et comment elle pourrait soutenir encore mieux les états membres. La santé mentale, tant de la population que du personnel soignant, a été un autre point de discussion important car le personnel a été durement éprouvé lors de cette pandémie. Le Protocole de Nagoya figurait aussi à l’ordre du jour. Il concerne des accords sur l’échange et le partage d’informations et de technologies importantes sur le plan de la santé. Aujourd’hui nous constatons par exemple l’importance d’une distribution des vaccins partout dans le monde. Il y avait évidemment d’autres points à l’ordre du jour, comme le financement de l’OMS, la sécurité des patients, l’égalité de l’accès aux médicaments et les « déterminants sociaux de la santé », c’est-à-dire les conditions dans lesquelles les gens grandissent, vivent et travaillent.”
Est-ce que l’OMS a pu jouer son rôle de leadership dans la politique sanitaire internationale ?
“Certaines choses se sont bien passées, d’autres sont à revoir. Le Conseil d’Administration a salué le rôle de l’OMS lors de la pandémie en janvier. Les états membres étaient satisfaits du soutien qu’ils ont reçu de l’OMS au cours des derniers mois pour endiguer la crise. Les limites financières ont empêché l’OMS de mettre en œuvre tous ses objectifs et ses projets. Lors des débats la question du financement a été soulevée pour que l’OMS puisse mener ses tâches de façon indépendante.”
L’OMS n’a pas toujours un pouvoir suffisant pour tenir son rôle de leadership. Que faut-il pour renforcer l’OMS ?
“L’OMS a un programme très large mais dispose de trop peu de moyens le mettre en œuvre de façon optimale. Le budget a augmenté au cours des années mais il y a un problème de financement. Les contributions des états membres ne comptent que pour 17% du budget total de l’OMS. L’OMS est libre de choisir ce à quoi elle veut consacrer cette part du budget. Les 83% restants sont des contributions libres, que l’OMS ne peut pas utiliser à sa guise. Ce sont les donateurs qui décident de la destination de leur contribution. Cela empêche l’OMS de mettre en œuvre ses projets de façon indépendante. Un groupe de travail a été créé pour réfléchir à un meilleur financement, plus durable, de l’OMS.”
Quel rôle l’OMS doit jouer dans la distribution des vaccins contre coronavirus dans le monde ?
“Dans son discours d’ouverture devant le Conseil d’Administration, le Dr. Tedros, Directeur Général de l’OMS, a lourdement insisté sur l’importance d’un accès universel aux vaccins contre le coronavirus. Il a été jusqu’à parler d’une catastrophe morale si aucune action n’est entreprise dans ce sens. Dans les pays riches, près de 40 millions de personnes ont déjà été vaccinées alors que dans les pays pauvres, 25 personnes à peine ont reçu une injection. C’est pourquoi l’OMS s’implique dans une série d’initiatives pour garantir une distribution équitable des vaccins. L’une de ces initiatives s’appelle COVAX, c’est une initiative qui vise à donner à tous les pays un accès égalitaire aux vaccins. Il s’agit de vacciner dans un premier temps tous les travailleurs et toutes les travailleuses de la santé et les groupes vulnérables partout dans le monde. Mais comme les pays riches ont acheté quasi tous les vaccins produits cette année, il est très difficile pour COVAX de réaliser cet objectif. Les pays à bas revenu ont demandé à l’OMS de faire quelque chose, mais l’OMS n’a pas un pouvoir suffisant pour obliger les pays riches à partager les vaccins.
Maintenant que de nouveaux variants du coronavirus apparaissent un peu partout, il est indispensable que la distribution des vaccins soit faite de façon équitable. Sinon, la pandémie durera plus longtemps et fera davantage de victimes. C’est pourquoi nous, l’équipe WHO Watch, pensons qu’il faut davantage de collaboration au sein de l’OMS pour vaincre cette crise. Il en va de l’intérêt de tous et toutes.”
Signez l’initiative citoyenne européenne
Personne n’est en sécurité tant que chacun et chacune n’a pas accès à des traitements sûrs et efficaces et à des vaccins. Nous avons tous et toutes le droit à être protégé.e.s. C’est pourquoi Viva Salud soutient l’initiative citoyenne européenne qui demande que la Commission européenne mette tout en œuvre pour faire des vaccins et des traitements contre le coronavirus un bien public universel, accessible gratuitement à tout un chacun.
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