Dr Aissa Naranjo: “Les pénuries et les besoins à Cuba sont plus importants que jamais. Un cocktail de blocus étouffant et de pandémie.”
A l’occasion de la campagne de Pâques pour Cuba, nous avons eu un entretien avec Aissa Naranjo, une médecin associée au Centro Felix Varela, notre partenaire à Cuba. Elle témoigne des besoins médicaux urgents d’un pays qui exporte lui-même son aide médicale.
Quelle est la situation actuellement à Cuba ?
Je suis très heureuse de sentir que tant de gens là-bas à des milliers de kilomètres s’inquiètent pour nous. Cuba a une histoire de solidarité internationale. Cuba et ses médecins ont déjà fait beaucoup pour aider de nombreux pays sur le plan médical. Des pays avec très peu de ressources, mais aussi des pays plus développés, comme l’Italie, le Portugal, etc. Des pays du monde entier ont demandé l’aide des brigades médicales internationales cubaines.
Mais il est vrai aussi que nous travaillons dur ici pour faire face à la crise. Notre économie présentait déjà de nombreuses failles avant la pandémie. Nous sommes une île sous blocus, qui essaie de le percer depuis des décennies. Malheureusement, nous manquons de matières premières pour la production de matériel médical. En raison du blocus, Cuba est obligée de les importer de très loin: de l’Inde, de la Chine. La pandémie a rendu ces importations plus difficiles: le trafic aéroportuaire est à l’arrêt, le commerce international est dans un creux. Par conséquent, nous souffrons d’une grande pénurie de matériel médical: cela va des gants aux masques chirurgicaux.
Il est important de dire que lorsque la pandémie a éclaté, il n’y avait pas une seule famille qui n’avait pas de masques buccaux. Parce que nous faisons face à la pandémie depuis un an maintenant, nous devons être très rationnels avec les équipements de protection. Actuellement, les pénuries et les besoins sont plus importants que jamais. Un cocktail de blocus étouffant et de pandémie. Heureusement, des pays sont venus à notre aide, mais la réalité est celle-là aujourd’hui.
Vous êtes médecin de famille dans une polyclinique de La Havane. Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets de pénuries sur votre lieu de travail?
Grâce à la planification rationnelle du ministère de la Santé et à l’incroyable engagement du personnel soignant, nous pouvons garantir les services, par exemple des salles de traitement et de respiration correctement équipées. L’équipement médical nécessaire arrive jusque dans ma polyclinique. Mais nous devons être très prudents et rationnels avec tout ce que nous avons. Nous ne pouvons rien gaspiller, car tout est nécessaire. Je vais vous donner un exemple. Même avant la pandémie, nous avons été obligés de passer aux seringues en verre. Elles doivent être constamment stérilisées et ont besoin de plus de temps pour être réutilisées. C’est donc une autre façon de travailler, beaucoup plus complexe que ça ne l’est déjà.
Avec la campagne de vaccination qui approche, ce défi est encore plus grand. On manque de tout. Des gants, mais aussi de gaze pour les cotons-tiges, on manque d’hypochlorite et d’alcool. Il faut tellement de matériel de base pour combattre cette crise sanitaire, et les besoins sont énormes.
Si les gens achètent des œufs de Pâques, à quoi peuvent-ils contribuer concrètement? Comment cette solidarité internationale vous aide-t-elle?
Toute aide que vous pouvez offrir est la bienvenue. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre campagne de dons. En ce moment même, nous nous occupons de les préparations de la campagne de vaccination. Actuellement, nous préparons entre autres des espaces de consultation. Ceci afin de préparer la campagne de vaccination, contre le COVID, pour contenir la pandémie. Nous avons besoin de plus de 11 millions de seringues de vaccination.
Les vaccins sont là, et notre propre production est aussi assurée. Tout le monde se demande probablement, comment une si petite île peut produire ses propres vaccins et garantir à chaque habitant ce vaccin. Cela s’explique par l’énorme volonté politique et l’engagement de notre gouvernement. Il y a ici à Cuba des instituts de recherche qui s’y préparent depuis longtemps. Parce que Cuba savait que dans ce domaine, elle ne pouvait compter sur personne. La priorité était donc d’investir dans notre personnel bien formé et entraîné, le capital humain, pour développer nos propres technologies et produits pharmaceutiques.
Pour lancer cette campagne de vaccination, nous avons besoin du plus élémentaire. Nous avons tout prévu pour la phase de démarrage. Mais pour réussir à plus long terme, je suis convaincue que nous avons besoin de plus de seringues et d’aiguilles de vaccination. Et en plus de cela, tout le matériel médical dont j’ai parlé plus tôt. Tout ce que vous pouvez faire pour nous en solidarité avec Cuba est le bienvenu. Car les besoins sont nombreux. Et cela aura un impact positif sur notre peuple. Vous pouvez à peine vous imaginer à quel point. Et c’est ce qui est le plus précieux. Si grâce à votre aide, nous y arrivons, nous en serons très reconnaissants.