Défenseurs des droits humains aux Philippines : de mal en pis
Les Philippines n’ont pas la réputation d’un havre de paix pour les défenseurs des droits humains. Et la situation n’a fait que se déteriorer encore au cours des dernières semaines. Heureusement, de courageux changemakers sont toujours là pour défendre les droits du peuple.
L’accent mis sur la violence s’est progressivement déplacé vers la violence et une répression aveugle à l’encontre des organisations sociales qui défendent les droits démocratiques du peuple
De mal en pis
Depuis l’arrivée au pouvoir en 2016 de l’actuel président Rodrigo Duterte, la situation des droits humains s’est dégradée. Il y a sa ‘guerre violente contre la drogue’ qui a déjà fait 13.000 morts.
Il s’agit surtout de personnes innocentes ou de petits criminels tandis que les grands gangsters ne sont pas touchés. Et par ailleurs, l’accent mis sur la violence s’est progressivement déplacé vers la violence et une répression aveugle à l’encontre des organisations sociales qui défendent les droits démocratiques du peuple.
Au cours des dernières semaines, nous avons pu constater une escalade de la répression et des menaces à l’encontre d’organisations populaires et de mouvements sociaux. Le 31 octobre, 57 personnes ont été arrêtées lors de perquisitions dans les locaux des syndicats et des organisations sociales de la ville de Bacolod, sur l’île de Negros. Parmi eux, il y avait 14 mineurs et 21 travailleurs licenciés d’une compagnie de transport : ils se trouvaient par hasard dans les bureaux du syndicat KMU pour discuter de leur conflit avec leur direction.
Quelques jours plus tard, le 5 novembre, c’était au tour d’un local de l’organisation sociale BAYAN à Manille. La police y a fait irruption en pleine nuit, à la recherche d’armes et d’explosifs. Trois activistes qui se trouvaient sur place ont été arrêtés. Tant à Bacolod qu’à Manille, les perquisitions ont été ordonnées par le même juge, qui a annoncé à l’avance quels types d’armes on y trouverait. Les organisations des droits humains soupçonnent la police d’avoir apporté sur place les armes qui y ont été trouvées.
Tous communistes, tous terroristes
Des personnes qui défendent les droits humains sont elles aussi en danger. Honey Mae Suazo, ancienne directrice régionale de l’organisation des droits humains Karapatan, a disparu le 2 novembre sur l’île de Mindanao. Depuis, on n’a plus de nouvelles à son sujet. Deux jours plus tard, le dirigeant syndical Rey Malaborbor a été assassiné devant sa maison dans la province de Laguna, non loin de Manille.
Tout cela se passe dans une atmosphère de suspicion à l’égard des organisations sociales. La plus haute direction de l’armée les décrit comme des organisations d’avant-garde des “groupes terroristes communistes”. Le 5 novembre, le général Basiao a encore fait une présentation au sein de la commission défense du parlement lors de laquelle il a accusé 18 organisations philippines d’être l’avant-garde de “groupes communistes terroristes”. Il parlait entre autres de la coupole des églises protestantes et de différentes organisations de développement.
Il a également montré une liste de 31 organisations internationales supposées financer ces groupes, dont même le European Instrument for Democracy and Human Rights, une ligne budgétaire de la Commission européenne, Oxfam International et différentes sections de Caritas. Il semble bien que toute forme de défense des plus pauvres s’apparente à un soutien des communistes et des terroristes.
C’est aussi pour cette raison que nous menons depuis cet été une campagne autour de l’affaire Rachel Mariano, une collaboratrice de l’aide au développement au sein d’une organisation de santé, qui a été également accusée d’appartenir à une organisation armée communiste. En septembre, elle a été libérée pour absence de preuves. Et qui a été assassiné quelques semaines plus tard, le jour même où le général Basiao parlait devant la commission de la Chambre ? Le juge qui a fait libérer Rachel.
De courageux défenseurs des droits humains
Il va de soi que ce climat de peur exerce une influence sur le travail des organisations sociales dans le pays. Mais malgré cela, elles sont nombreuses à ne pas se laisser impressionner. Les gens sont de plus en plus en colère. On ne peut qu’admirer leur courage.
L’une de ces organisations courageuses est l’organisation des droits humains Karapatan, que nous soutenons depuis des années à Viva Salud. Karapatan, qui veut dire “droit” et est dirigé actuellement par Cristine “Tinay” Palabay, a été créé en 1995 et compte aujourd’hui 40 organisations membres et 16 sections régionales à travers tout le pays. Elles est reconnu aujourd’hui comme une organisation à l’avant-garde de la défense des droits humains aux Philippines, et ce tant au sein du pays qu’à l’étranger.
Aux côtés de l’organisation de femmes Gabriela, elle aussi partenaire de Viva Salud, Karapatan a lancé une campagne #TogetherWeDefend. Le but est d’encourager tous les défenseurs des droits humains. Leur travail reste d’une grande importance, encore plus dans ce contexte difficile. Et c’est bien ce message que nous souhaitons faire passer ici en Belgique : #OnlyFightersWin