Pourquoi l’Union européenne renforce-t-elle ses liens avec un pays qui commet des violations des droits humains à grande échelle?

Union Européenne

Le 3 octobre, l’Union européenne et Israël ont tenu un Conseil d’association pour la première fois depuis une décennie. Selon notre collègue Jasper cela soulève des questions.

Il y a quinze jours, nous avons accueuilli chez Viva Salud la militante palestinienne des droits des femmes Islah Jad. Islah est professeure à l’université de Bir Zeit et présidente de l’organisation de défense des droits humains Bisan Center. Lorsque nous l’avons interrogée sur le soutien européen aux droits des Palestinien·ne·s, elle a répondu de manière laconique : « Nous sommes plutôt sceptiques quant à la valeur des droits humains et de la démocratie dans les pays occidentaux. Parce que quand il s’agit d’Israël, ils ferment toujours les yeux. »

Le Conseil d’association prévu entre l’Union européenne et Israël le 3 octobre prochain rend cette déclaration davantage d’actualité. Pour la première fois en dix ans, Israël et l’UE vont s’asseoir au plus haut niveau diplomatique pour renforcer leur coopération. Selon la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, « notre culture et nos valeurs communes ont créé un lien profond entre l’Europe et Israël. Le lien le plus fort que nous partageons est notre croyance dans la démocratie et les valeurs démocratiques« . Le fait qu’Israël viole le droit international et des dizaines de résolutions de l’ONU depuis des décennies, et qu’entre-temps, elle a également été qualifié d’État d’apartheid par Amnesty International et Human Rights Watch, ne semble pas pertinent.

Est-il approprié que l’Union européenne renforce ses relations avec un pays qui commet des violations des droits humains à grande échelle ? Pour nous, 47 parlementaires européen·ne·s et des dizaines d’autres organisations de la société civile palestinienne et européenne, la réponse est déjà un non catégorique.

Des attaques répétées et intensifiées

Le Conseil d’association se réunit à un moment où Israël intensifie ses attaques contre le peuple palestinien. Le 4 mai, la Cour suprême d’Israël a donné son feu vert à l’expulsion massive de plus de 1 300 Palestinien.ne.s à Masafer Yatta, dans le sud de la Cisjordanie occupée. Il s’agira de la plus grande expulsion forcée à laquelle Israël a procédé depuis 1967. L’UE et ses États membres ont condamné cette décision, la qualifiant d’illégale, mais dans la pratique, ils n’ont jamais joint le geste à la parole. Ainsi, ils contribuent à ouvrir la voie à une nouvelle annexion de terres palestiniennes.

Par ailleurs, depuis le début de l’année, l’armée israélienne a déjà tué plus de 140 Palestinie·ne·s. Ses forces ont effectué des raids répétés dans les camps de réfugié·e·s palestinien·ne·s et dans des villes telles que Jénine et Naplouse, en Cisjordanie occupée. Ces raids illégaux ont conduit, entre autres, au meurtre de la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh en mai 2022. Au début du mois d’août, Israël a également effectué une nouvelle série de frappes aériennes lourdes sur la bande de Gaza, qui souffre d’un blocus étouffant depuis plus de 15 ans. Au cours de ce processus, Israël a délibérément ciblé des zones densément peuplées et des civil·e·s. 49 personnes, dont quatre femmes et 16 enfants, ont été tuées. 360 autres personnes ont été blessées.

Les organisations palestiniennes visées

Enfin, les organisations palestiniennes qui recensent ces violations des droits humains sont confrontées à des attaques de plus en plus féroces. Israël les discrédite, arrête leur personnel et tente de drainer leurs fonds. Nos partenaires palestiniens Bisan Center, Al Awda et Health Work Committees ont ainsi, ensemble, perdu plus de 2,5 millions d’euros de financement externes au cours de la dernière décennie. Principalement dans les régions éloignées, Awda atteint ainsi 24 000 patient·e·s en moins et Health Work Committees 67 000 patient·e·s en moins.

En octobre 2021, Israël a placé six organisations palestiniennes de défense des droits humains sur une liste de terroristes. Plusieurs pays européens, dont la Belgique, ont récemment réfuté les allégations de terrorisme d’Israël et ont condamné cette décision en termes clairs. Pourtant, à peine trois semaines après, les forces d’occupation israéliennes ont fait une descente dans les bureaux des six organisations sociales palestiniennes visées et de Health Work Committees et en ont scellé l’entrée. Israël se soucie manifestement peu des condamnations de l’Union européenne et de ses États membres. La reprise du Conseil d’association ne sera perçue par le gouvernement israélien que comme une approbation implicite de ses actions illégales.

Annuler le Conseil d’association

Une action forte est donc nécessaire. Les leviers sont nombreux. L’Union européenne reste le premier partenaire commercial d’Israël et elle vient de signer un accord sur le gaz avec le pays en juin. Notamment dans le but de se débarrasser du gaz russe, car la Russie viole le droit international et la souveraineté d’un autre pays. Où d’autre avons-nous entendu ça ? Si l’UE prend au sérieux ses déclarations sur les droits humains et la démocratie, elle doit abandonner sa politique de « deux poids, deux mesures ». Des mesures de sanctions cohérentes contre Israël seraient un premier pas dans la bonne direction.

Notre propre pays, et en particulier la ministre des affaires étrangères Hadja Lahbib, peuvent déjà faire la différence. Si nous laissons le siège belge vide à la table du Conseil d’association UE-Israël à Bruxelles, le Conseil d’association sera purement et simplement annulé. Qu’attendons-nous?

Ce texte a été publié sur le site de Le Soir le 30 septembre.


En octobre 2021, Israël a injustement placé six organisations sociales palestiniennes, dont notre partenaire Bisan, sur une liste d’organisations terroristes. La critique mondiale s’est installée et la campagne de solidarité #StandWithThe6 a rapidement pris de l’ampleur.